Introduction
I. Thalès de Milet : le personnage
II. La construction du théorème
A. Les bases du problème
a) La découverte de la
pyramide
b) Le théorème en lui-même
B. Les moyens utilisés pour la mesure de la pyramide
C. La mesure de la pyramide
Conclusion
Sources
Annexes
J’ai choisi de raconter une histoire, une histoire ayant trait aux mathématiques.
Plus précisément, je vais vous narrer l’histoire de la naissance
et de la construction d’un théorème célèbre
dont le nom de l’inventeur lui est lié : le théorème
de Thalès.
A priori, les mathématiques ont
plutôt une image négative, elles paraissent être une
science austère parce que tributaire d’une nécessité
d’exactitude. Nécessité qui les conduit à vouloir être
exactes en tous temps et en tous lieux, donc à demeurer éternellement
vraies.
Mais, il faut dépasser cette opinion
et redonner une image positive aux mathématiques, bref les réconcilier
avec la vie. Ne serait-ce que pour comprendre pourquoi certains hommes brûlent
la leur à tenter de résoudre des énigmes mathématiques.
Pour cela il faut redonner aux mathématiques
leur place dans l’histoire de la construction des savoirs et montrer en
quoi celles-ci ont contribué à la naissance de la pensée.
Afin de répondre à ce problème,
nous allons retourner aux sources de l’apparition de cette science, à
savoir l’Antiquité Grecque au sein de laquelle Thalès de Milet
compte parmi les figures les plus éminentes de son temps. Nous allons
donc raconter l’histoire du célèbre théorème
de Thalès afin de vous démontrer que les mathématiques
peuvent être passionnantes et vivantes.
I. Thalès
de Milet : Le personnage.
Thalès naquit et vécut vers –620 avant JC sur les côtes
de l’Anatolie en Ionie dans la ville de Milet, cité portuaire et
centre d’un commerce étendu aux deux bassins de la méditerranée.
Il mourut âgé d’environ 90 ans (-547) en assistant à
des jeux gymniques, pressé par la foule et épuisé de
chaleur.
Ce riche commerçant était un homme
à multiples facettes qui a acquit de son vivant une réputation
d’homme d’Etat, d’ingénieur, d’affaire ; mais aussi de philosophe,
de mathématicien et d’astronome.
Sa réputation d’astronome tient à ce
qu’il a rendu compte que l’année dure 365 jours ; à
ce qu’il est le premier à découvrir la trajectoire du Soleil
d’un solstice à un autre ; le premier à découvrir
la petite Ourse ; le premier à déterminer la taille et
la nature du Soleil.
Mais ce qui lui valut de rester célèbre
fut sa prédiction de l’éclipse du Soleil (-585), alors qu’il
avait une quarantaine d’années, prédiction rendue possible
par des connaissances en astronomie suffisamment fiable pour faire des prédictions
rationnelles.
Thalès s’est aussi distingué par son
génie militaire : il aurait détourné le cours
d’une rivière pour faire passer l’armée du roi de Lydie.
C’est aussi le premier spéculateur de l’Histoire.
En effet, une année, la récolte d’olive étant abondante,
Thalès acheta toutes celles produites dans le district, il les écoula
petit à petit, ce qui évita la chute des prix et lui rapporta
d’énormes profits.
Mais dans un même temps, Thalès occupe
une place primordiale dans l’histoire de la philosophie. En effet, il n’est
autre que le premier « penseur » de l’Histoire grecque,
c’est-à-dire le premier à s’être posé des questions
(« Qu’est–ce que penser ? », « Est-ce
qu’il y a des choses qui échappent à ma pensée ? »,
« De quoi est faite la nature ? »…). C’est donc
le premier philosophe de l’Histoire, en d’autres termes le premier à
tenter de donner une explication systématique et rationnelle du monde.
Explication qu’il applique aussi aux mathématiques : il est
le premier à énoncer des résultats généraux
concernant les objets mathématiques. Avant lui, on ne s’intéressait
qu’à la résolution de problèmes particuliers. L’apparition
de théories universelles est une nouveauté absolue, quand
on dit : « Toute droite passant par le centre d’un cercle
le coupe en deux parties égales », c’est une réelle
innovation. C’est pour cela que Thalès est considéré
comme le premier mathématicien de l’Histoire. D’ailleurs, à
son époque (VII siècle avant JC), les termes « philosophie »
et « mathématique » n’existaient pas encore,
ils formaient alors un tout, ils étaient imbriqués l’un dans
l’autre avant d’être séparés bien plus tard.
C’est pourquoi Thalès est considéré
à la fois comme le Père de la physique ionienne et comme le
Père de la philosophie. C’est le premier des grecs à découvrir
la géométrie, à montrer envers la nature une certaine
curiosité scientifique et à observer les astres avec beaucoup
de compétence.
Toutefois, malgré l’étendue de tout
son savoir, si le nom de Thalès résonne encore dans nos oreilles,
au XXIe siècle, c’est pour le théorème associé
à son nom : le théorème de Thalès.
II. La construction
du théorème.
A. Les bases du problèmes.
a) La découverte de la pyramide de Khéops.
Son activité de commerçant l’ayant enrichi, Thalès
de Milet put consacrer la fin de sa vie aux études et aux voyages.
Son premier périple le mena en Egypte. Là, il calcula la
hauteur des pyramides grâce à leur ombre portée :
c’est une première utilisation du théorème qui porte
son nom.
Nous nous proposons, ici, d’expliquer
pourquoi ce théorème a vu le jour, de déterminer ce
qui est à l’origine de sa découverte, dans quelles circonstances
elle a été rendue possible ; bref nous tâcherons
de remonter aux causes premières, au « déclic de
génie » qui mène à l’élaboration
d’un théorème universel.
Au cours de son voyage en Egypte, Thalès
de Milet tomba en béatitude devant l’immensité de la pyramide
de Khéops : les dimensions du monument dépassent l’imagination,
lui font sentir sa petitesse, la pyramide est hors norme, sans commune mesure
et apparemment immesurable. L’édifice pourtant construit par des
hommes restait hors de portée de leur connaissance : la hauteur
de la pyramide était impossible à mesurer.
Mesurer l’immesurable : voilà
le défi que Thalès se propose de relever.
Il trouve un allié dans sa quête :
le Soleil. Pourquoi le Soleil ? Parce qu’il traite toutes les choses
du monde de la même façon, et en traitant semblablement l’Homme
minuscule et le gigantisme de la pyramide, le Soleil établit la possibilité
d’une commune mesure.
Ce qui signifie que le rapport que j’entretiens
avec mon ombre est le même que celui que la pyramide entretient avec
la sienne, de ceci découle qu’à l’instant où mon ombre
est égale à ma taille, l’ombre de la pyramide est égale
à sa hauteur.
Thalès emploie ici une ruse :
il va obtenir le vertical par l’horizontal (par l’ombre écrasée
au sol). Avec le petit, il va mesurer le grand ; avec le proche, mesurer
le lointain.
Ce raisonnement nous montre que les mathématiques
sont une ruse de l’esprit.
b) Le théorème en lui-même.
Avant toute chose, rappelons ce qu’est le théorème de
Thalès.
ANNEXE 1
Sur un couple de données D et D’, une série de parallèles
AA’, BB’, CC’, découpe des segments qui sont en proportion.
Ce théorème est révolutionnaire
car avec lui débute la science des proportions, d’ailleurs le théorème
de Thalès est également appelé le théorème
des proportions. En d’autres termes, toutes les figures semblables ont la
même forme ; conserver les proportions c’est conserver la forme
(la forme est ce qui se conserve quand on garde les proportions et que
l’on change les dimensions).
Mais concrètement, que nous dit
le théorème de Thalès, quel est son apport ?
Questionnons ce théorème : dire que « AB
est égale à A’B’ ce que AC est à A’C’ »
c’est dire que le premier couple et le second sont dans le même rapport,
ce qui signifie que ce théorème génère toutes
les questions qui mettent en jeu les rapports :
* Changements d’échelles
* Modèles réduits
* Plans
* Cartes
* Réductions / aggrandissements
Ce théorème a une utilité pratique, il est une
véritable innovation.
B. Les moyens utilisés pour la mesure
de la pyramide.
Ce qui est intéressant alors est de savoir comment Thalès
a procédé concrètement à l’aide du théorème
pour mesurer cette pyramide ?
Ici, la difficulté est due à la figure pyramidale, à
sa forme évasée :
* La pyramide de Khéops
a une base carrée, et son axe tombe exactement au milieu du carré.
* La hauteur de la pyramide,
c’est la longueur de l’axe.
* La longueur de l’ombre
de l’axe, c’est la longueur de l’axe.
ANNEXE 2
Le problème qui se pose est que
Thalès ne peut mesurer concrètement que la partie s’étendant
en dehors de la base (puisque l’autre est à l’intérieur du
monument, donc inaccessible).
Mais Thalès a trouvé une
parade pour contourner la difficulté : en faisant sa mesure
au moment où les rayons du Soleil étaient exactement perpendiculaires
au côté de la base (c’est-à-dire quand la partie cachée
était égale à la moitié d’un côté).
Donc la hauteur de la pyramide sera égale à la hauteur de
l’ombre + à la moitié d’un côté.
Afin de mieux comprendre, imaginons une
pyramide transparente.
ANNEXES 2 et 3.
Sur une pyramide transparente, voici l’ombre de l’axe dont Thalès
voulait déterminer la longueur.
ANNEXE 4.
(La partie de l’ombre en pointillé est inaccessible).
Tout ce que peut mesurer Thalès est la partie en gras, c’est
la seule information dont il dispose.
ANNEXE 5.
C’est une simple opération de l’esprit : Thalès a
oublié la masse du monument, il en a fait abstraction.
Toutefois, l’explication théorique aussi simple qu’elle peut
paraître se confronta aux aléas de la pratique, à des
difficultés extérieures. En effet, la démonstration
du théorème va dépendre des rayons du soleil :
la plupart du temps, la direction des rayons du soleil faisait un angle
quelconque avec le côté de la base et Thalès ne pouvait
alors rien mesurer.
ANNEXE 6.
C. La mesure de la pyramide.
Mais les mathématiques sont une ruse : Thalès va
rechercher une situation particulière. Il va résoudre son
problème à un moment particulier de la journée, celui
où les rayons sont perpendiculaires à la base.
Ce que Thalès ne pouvait atteindre par la mesure directe, il
allait le déduire par le raisonnement. Quelles étaient ses
armes ?
De la pyramide il ne connaît qu’une
seule chose, le côté de la base. Il allait s’en servir.
ANNEXES 7 et 8.
Pourtant une question gênante subsiste :
comment Thalès pouvait-il savoir que l’ombre était perpendiculaire
au côté ?
Grâce à l’orientation
de la pyramide : les architectes avaient construit le monument de
façon à ce qu’une des faces soit orientée plein sud.
Ainsi, l’ombre est perpendiculaire au côté au moment où
le soleil est à son zénith, soit à midi pile.
Mais la mesure n’a pas été
si simple à réaliser, en effet, la pyramide ne fait pas une
ombre tous les jours de l’année à midi ! Le succès
de l’expérimentation se trouve différé en raison d’aléas
climatiques (les nuages qui masquent le soleil). Pour réussir cette
entreprise, il faut que toutes les conditions soient réunies. Thalès
doit opérer de manière empirique.
Dans ce cas précis, deux conditions
sont à réunir :
* Que l’ombre soit égale à la
pyramide.
* Que l’ombre soit perpendiculaire à la base.
Et pour répondre à ces conditions, il faut sortir du domaine
de la géométrie pure et effectuer un travail de terrain. Aussi
stupéfiant que cela puisse paraître, le mathématicien
est aussi un homme de terrain.
Le travail de terrain, dans le cas de la pyramide de Khéops n’a
pas été sans difficulté. En effet, celle-ci est érigée
à Gizeh à 30° de latitude de l’hémisphère
Nord, au dessus du tropique, et dans ces conditions géographiques,
pour que l’ombre soit égale à l’objet, il faut que les rayons
soient inclinés à 45°. Or en été, à
midi, à Gizeh, le rayons sont presque verticaux, il n’y a donc pas
d’ombre du tout durant cette période de l’année.
Une condition supplémentaire vient se greffer à la réalisation
de la mesure : pour que l’ombre soit perpendiculaire à la base,
elle doit être orientée Nord-Sud.
Et le remplissage de ces conditions ne sont réunies que deux
jours dans l’année !!!
D’après les calculs d’astronomes, ces deux jours n’ont pu tomber
qu’un 21 novembre ou un 20 janvier, soit en hiver et à l’ombre (le
pauvre Thalès a du attraper froid avec le vent). On prend donc conscience,
ici, qu’avant d’aboutir à un théorème général
et universel, le théoricien doit se faire praticien et se conformer
à des mesures particulières.
Ce qu’il nous reste à savoir maintenant, c’est combien mesure
effectivement cette pyramide. Le seul instrument de mesure à disposition
de Thalès était une corde. Il lui fallait donc une unité
de mesure : il utilisera le Thalès, sa propre taille.
Il trouva 18 Thalès d’ombre, puis il mesura le côté
de la base, divisa par deux et trouva 67 Thalès.
La pyramide de Khéops mesure donc 85 Thalès, soit 147
mètres (sachant qu’un Thalès valait 3,25 coudées égyptiennes ;
276,25 coudées au total). Par comparaison : la pyramide du Louvre
mesure 21,60 mètres de hauteur et 34,40 mètres de côté,
la Tour Eiffel mesure 320 mètres (la pyramide de Khéops fait
donc environ la moitié de celle-ci).
J’ai voulu, à travers cet exposé,
dépasser l’idée selon laquelle les mathématiques seraient
une science désintéressée, cultivée pour elle-même,
un pur exercice de raisonnement abstrait avec pour seule finalité le profit intellectuel.
J’ai au contraire insisté sur
le côté pratique de cette science, et montré avec l’exemple
de Thalès de Milet que l’un des apports essentiels des mathématiques
grecques consiste en l’application de la géométrie dans des
domaines pratiques.
Plus fondamentalement, il s’agissait
de se souvenir qu’à l’origine de toute théorie mathématique
il y a une démarche créative suivie d’une série d’expérimentations
et de vérifications d’hypothèses. Mais aussi que cette démarche
empirique a contribué (au même titre que la philosophie) à
la naissance et à la construction des savoirs dans le bassin méditerranéen.
Le théorème du perroquet, Denis Guejd (Points)
Des mathématiciens de A à Z, Bertrand Hauchecorne et Daniel
Surreau (Ellipses)
Penseurs Grecs avant Socrate, « De Thalès de Milet
à Prodicos » (GF-Flammarion).
Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres, Tome I, Diogène
Läerce (GF-Flammarion)
Article sur Thalès de Milet dans L’Encyclopédia Universalis.
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3
Annexe 4
Annexe 5
Annexe 6
Annexe 7
Annexe 8